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Tunisie, le décret-loi sur la profession d’avocat devient effectif

Longuement attendu par les robes noires, le décret-loi du 20 août 2011, portant organisation de la profession d’avocat est enfin publié au Journal Officiel. La nouvelle loi abroge celle de 1989 devenue caduque, assure une immunité pour l’avocat dans ses rapports et plaidoiries devant les différentes instances, et prévoit un seul mandat de trois ans non-renouvelable pour le bâtonnier et les présidents des sections.

La profession d’avocat est libre et indépendante, participe  à instaurer la justice, et défend les libertés et les droits des humains, stipule l’article 1 de ce décret-loi. L’avocat est exclusivement investi de la mission de représenter des parties, quelle que soit leur statut légal, de les assister, de les conseiller et de mener toutes les procédures auprès des tribunaux et toutes les instances judiciaires, administratives, disciplinaires, ainsi que devant la police judiciaire. Seul l’avocat est habilité, selon ce décret-loi, à rédiger des contrats constitutifs des sociétés, d’augmentation ou de baisse de leur capital, s’agissant des contributions au fond de commerce. La rédaction des contrats et conventions portant transfert de la propriété foncière, des contrats de contributions en nature au capital des sociétés commerciales incombent également à l’avocat, sans toucher aux prérogatives des  notaires et des rédacteurs relevant de la direction de la propriété foncière.

L’avocat inscrit en cassation a le droit d’être membre des conseils d’administration ou des conseils de contrôle des sociétés commerciales.

Tout en tenant compte des conventions internationales, n’exerce la profession d’avocat, d’une manière permanente ou temporaire, que ceux qui sont inscrits au tableau des avocats. La personne désireuse de s’y inscrire doit remplir un certain nombre de conditions : être de nationalité tunisienne depuis 5ans, être résidant sur le territoire tunisien, ne pas souffrir de maladies ou d’handicap l’empêchant d’exercer sa profession, être âgé de 23 ans au minimum et de 40 ans au maximum, être titulaire du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) délivré à une année au plus de la demande d’inscription, ou d’un doctorat en droit et sciences juridiques, ne pas avoir des engagements professionnels et ne pas exercer une activité contraire  à la profession d’avocat…

Un institut supérieur du barreau a été créé. Il s’agit d’une institution publique à caractère administratif, sous la cotutelle des ministères de la Justice et de l’Enseignement supérieur. Cet institut comprend un conseil scientifique présidé par son directeur et composé de deux représentants de chaque ministère de tutelle, de l’ordre des avocats, et de six représentants de son corps enseignant. L’admission à cet institut se fait par la voie de concours destiné aux titulaires de maîtrise, de licence de droit, de sciences juridiques ou équivalent, et la durée des études en son sein est de deux ans.

Le conseil national de l’ordre des avocats établit le tableau des avocats à la fin de chaque année judicaire. Il est interdit à l’avocat stagiaire d’ouvrir un cabinet en son nom. L’avocat stagiaire peut représenter les justiciables et procéder à des actes de plaidoiries en son nom auprès de tous les tribunaux pénaux. Il lui est interdit de plaider auprès de la Cour de cassation, même au nom de l’avocat auprès de qui il effectue son stage.

L’article 22 interdit le cumul entre la profession d’avocat et l’exercice de toute autre profession ou activité rémunérée, excepté l’enseignement d’une manière occasionnelle ou contractuelle. Le cumul est autorisé, à titre exceptionnel, pour les enseignants du supérieur, inscrits au tableau des avocats avant septembre 1989.

Il est interdit de cumuler la profession d’avocat et d’autres activités telles que : le commerce, la participation à des programmes médiatiques ou d’animation, quelle qu’en soit la forme, d’une manière régulière ou périodique, avec ou sans contrepartie, le poste de PDG ou de DGA dans les sociétés commerciales, moyennant une rémunération ou non, à l’exception de la présidence du conseil d’administration des sociétés anonymes, l’exercice de toute autre profession libérale, d’une manière directe ou indirecte, qui soit incompatible avec la profession d’avocat.

L’avocat peut exercer sa profession seul, ou en association avec d’autres avocats. Les avocats appartenant au même cabinet n’ont pas le droit de représenter des parties dont les intérêts sont divergents.

Les honoraires de l’avocat sont fixés en vertu d’un accord préalable conclu avec son client. Les deux parties peuvent également se mettre d’accord sur une formule de pourcentage, sur la valeur de ce qui pourrait être réalisée, pourvu que cela ne dépasse pas les 20%, et qu’elle ne soit pas en nature, ou contraire à l’honneur de la profession ou à la dignité de l’avocat.

Selon l’article 45, l’avocat assume sa responsabilité quant aux erreurs professionnelles qu’il commet. Si des poursuites judicaires sont intentées contre un avocat, le président de la section régionale est informé immédiatement. L’avocat est traduit obligatoirement par le procureur général de la cour d’appel devant le juge d’instruction en présence du président de la section régionale ou qui le représente. La perquisition du cabinet de l’avocat n’est autorisée que lorsqu’il est pris en flagrant délit, et après avoir informé le président de la section régionale. La perquisition ne peut avoir lieu qu’en présence d’un avocat, d’un juge d’instruction, du président de la section ; la présence de l’avocat n’est pas nécessaire s’il est en état de fuite. Ces dispositions sont appliquées aux bureaux du conseil national de l’ordre des avocats et ses sections.

Les actes de plaidoiries et les rapports établis par l’avocat au moment de l’exercice de sa mission ne donnent pas lieu à des actions intentées à son encontre. L’avocat n’encourt envers les instances, autorités et institutions devant lesquelles il exerce sa profession, qu’un questionnement disciplinaire.

Le conseil national de l’ordre des avocats rassemble obligatoirement l’ensemble des avocats de Tunisie, jouit de la personnalité juridique et l’autonomie financière, et est dirigé par un conseil composé du bâtonnier, des présidents de sections régionales et de 14 membres élus par l’assemblée générale. Le bâtonnier et les présidents des sections ne sont élus que pour un seul mandat de trois ans non-renouvelable.

Une section régionale des avocats est créée dans chaque arrondissement d’une cour d’appel, une nouvelle section régionale est créée à chaque fois qu’une cour d’appel voit le jour.

Un avocat qui faillit à ses devoirs, ou attente à travers sa conduite, à l’honneur de la profession est traduit devant le conseil de discipline. Il est passible, le cas échéant, de l’une de cinq sanctions disciplinaires : l’avertissement, la dégradation de la cassation à l’appel et la suspension de l’exercice de la profession pour une période ne dépassant pas les deux ans. Il risque aussi de voir son nom rayé du tableau des avocats pour une période ne dépassant pas les trois ans, ou de voir son nom définitivement rayé.

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